Braxton: Ghost Trance Music | Rosas Toolbox

Publié le 23.08.2023, 10:25

Quatre danseurs de Rosas et quatre musiciens de l'ensemble Ictus se réunissent pour créer GHOST TRANCE MUSIC | ROSAS TOOLBOX, à partir de la composition Ghost Trance Music de Anthony Braxton.

Anthony Braxton

Né en 1945, Anthony Braxton a joué un rôle clé dans la musique contemporaine et la culture d'avant-garde en tant que compositeur, multi-instrumentiste (saxophoniste, entre autres — mais pas que !), théoricien, professeur et curateur. Inspiré par le jazz, la musique européenne et bien d'autres cultures, Braxton a pu qualifier sa production de Creative Music. Il a été un membre important de la légendaire AACM, Association for the Advancement of Creative Musicians, fondée en 1965 à Chicago. Formée à l'origine pour aider les musiciens en difficulté à trouver du travail, l'AACM est devenue mondialement connue pour sa conception unique de la musique, du jazz et de l'improvisation. Tout en changeant le visage du free jazz, les musiciens de l'AACM élargissaient leur champ d'action et s'attaquaient par ailleurs aux problèmes de leur communauté.

Braxton a publié une vaste somme de philosophie musicale dans les trois volumes Tri-Axium Writings et les cinq volumes des Composition Notes. À ce jour, Braxton a composé plus de 500 œuvres, allant de la musique en solo aux petits et grands ensembles, en passant par des œuvres pour cent tubas, plusieurs orchestres et un cycle d'opéra en 12 parties, Trillium, toujours inachevé à ce jour.

Ghost Trance Music

Au début des années 90, Anthony Braxton a suivi plusieurs cours sur la musique amérindienne à l'université Wesleyan, où il enseignait. Plus précisément, ces cours portaient sur un rituel post-colonial de la fin du XIXe siècle appelé Ghost Dance, au cours duquel différentes tribus indigènes se réunissaient pour entrer en contact avec leurs ancêtres éradiqués, à travers des sessions de danses en cercle d'une heure, Ghost Dances. Ces expériences ont eu un impact considérable sur Braxton et ont été une source d'inspiration importante pour ce qui allait devenir la Ghost Trance Music.

"A musical super-highway"

La violoniste Erica Dicker a décrit Ghost Trance Music en ces termes : "une autoroute musicale - une hyper-route - où chaque musicien est invité sur le siège du conducteur. Ses intentions sont intégrées dans la navigation de la performance, et en déterminent la structure. L'immense partition de Ghost Trance doit être considérée comme une boîte à outils. Les interprètes peuvent sélectionner et superposer différentes sous-compositions, en ajoutant de l'improvisation, en se surprenant les uns les autres, en créant des sous-groupes de musiciens. La musique peut et doit être différente à chaque fois."

La mélodie principale (à propos du mot trance)

Au cœur de la composition de trouve ce que Braxton nomme la mélodie primaire. La mélodie primaire consiste en une série continue de notes obstinées, sans aucune variation rythmique. La mélodie est frappée à l'unisson au gré d'une pulsation régulière ressemblant à un rythme de transe, potentiellement infini : l'aspect rituel et cérémoniel est une partie essentielle de la pièce.

Transidiomatique et multihiérarchique 

Selon Kobe Van Cauwenberghe, le guitariste flamand qui a encadré les ateliers sur la Ghost Trance Music pour Ictus et P.A.R.T.S en 2021, la pièce peut être décrite comme transidiomatique :
Une plateforme unique pour des musiciens venant d'horizons différents, où l'apport de chacun détermine le déroulement et l'expérience commune de la performance. Un autre terme possible, que Braxton utilise volontiers, est multi-hiérarchique : ceci fait référence à la façon dont les décisions concernant sa musique peuvent toujours être prises à différents niveaux simultanés, sapant la hiérarchie traditionnelle entre le compositeur, la partition, le chef d'orchestre et l'interprète.

Travailler Ghost Trance Music

L'aura de la partition, l'efficacité des règles fournies par Braxton sont si fortes que les musiciens ont réalisé, durant les workshops d'Ictus, que seul un petit nombre de répétitions était nécessaire. De nouveaux musiciens jouant des instruments inhabituels, ou des invités de dernière minute, sont faciles à intégrer dans le set de base. L'idée est de constituer un "groupe matrice" composé de 4 danseurs de Rosas et de 4 musiciens d'Ictus, surentraînés à jouer avec toutes les combinaisons possibles au sein de la Ghost Trance Music, et d'ouvrir des ateliers (de courte ou moyenne durée) dans différentes villes, avec des invités locaux, dans un esprit très inclusif et trans-idiomatique. Les ateliers se terminent par des représentations publiques.

Le "super-formalisme" multi-hiérarchique et trans-idiomatique de Braxton doit être approprié par les musiciens dans un esprit ludique, avec humour et fantaisie. À la fin du long texte qui énonce les règles du jeu "Ghost Trance Music", Braxton prend soin de préciser : "Amusez-vous avec ce matériel et ne vous attachez pas telle ou telle partie en particulier. [...] N'abusez pas de ce matériel pour en faire des performances "correctes", dénuées d'esprit ou de plaisir. [...] Chaque représentation doit avoir quelque chose d'unique. [...] Enfin, je recommande de répéter le moins possible afin chacun reste un peu excité. ( !)"

Toolboxes

En 2022, Anne Teresa De Keersmaeker confiait à Marie Goudot et Michaël Pomero un laboratoire « Rosas toolbox ». Plutôt que d’archiver passivement le travail de la compagnie, la « Rosas toolbox » prend le parti d’une « documentation créative » : recenser diagonalement le lexique chorégraphique développé par De Keersmaeker et Rosas, filtrer et classer les outils formels, faire comprendre les procédés combinatoires récurrents… et les rendre disponibles à tous, pour les faire vivre au présent.

Les « super-formalismes » d’un Braxton ou d’une De Keersmaeker, si différents et pourtant si proches, ne visent pas à modérer les impulsions artistiques, à rationaliser notre pratique créative ou à créer des catégories rigides — mais au contraire à mettre le feu à la créativité humaine par le biais des stratégies combinatoires. Jouer avec les outils, inventer des catégories provisoires, en dresser la carte, leur donner des noms métaphoriques ou ludiques, les brancher l’une sur l’autre, tester de nouvelles opérations — et finalement interpréter le présent comme un Zodiaque : tel est le jeu, le Grand Jeu dont les deux artistes partagent le secret.

Représentations

Pour plus d'information, visite : https://www.ictus.be/trance

Credits

Ghost Trance Music | Rosas Toolbox

Musical leader
Kobe Van Cauwenberghe

Creative movement team
Sophia Dinkel, Marie Goudot, Mark Lorimer, Michaël Pomero

Music
Anthony Braxton

Rosas dancers
Sophia Dinkel, Marie Goudot, Mark Lorimer, Michaël Pomero

Ictus Musicians 
Nabou Claerhout, Trombone 
Niels Van Heertum, Euphonium
Kobe Van Cauwenberghe, Electric Guitar 
Jean-Luc Plouvier, Keyboard

Guest Musicians Darmstadt
Katherine Young, Bassoon
Andreas Borregaard, Accordion

Guest Musicians Brussels
Anita Cappuccinelli, percussion
Marina Delicado, keyboard
Leonardo Malchionda, e-guitar
Lucas Messler, drums
Maris Pajuste, voice

Production 
Rosas